La râperie
De la betterave au sucre ...
|
Le ruisseau provenant de Freloux traversait Fexhe et Kemexhe, charriait à travers ces villages et vers Crisnée, Thys et le Geer, ses eaux ocre et boueuses, ainsi que l'épaisse couche de boue grasse et collante que déposaient en chemin les roues des charrettes et chariots. Les cultivateurs de betteraves sucrières n'étaient qu'à un jet de pierre de la râperie de Crisnée pour écouler leur production.
Du côté des producteurs, on s'inquiétait d'abord du pesage à la bascule, de la tare qu'on calculerait, du déchargement plus ou moins rapide, de la qualité des pulpes qu'on entasserait à la ferme dans un silo, mais essentiellement de la teneur en sucre et du prix unitaire, tous paramètres qui détermineraient le niveau de réussite de la saison. La râperie de Crisnée fut opérationnelle le 10 octobre 1924, aux confins des communes de Fize-le-Marsl, Kemexhe et Crisnée. C'est sur ce dernier territoire que s'élevaient les bureaux et le réfectoire du personnel, au droit de la rue de Kemexhe, d'abord sous la forme d'un baraquement en bois avec des matériaux récupérés à la Caserne des Lanciers de Liège. Le gros œuvre de l'usine fut exécuté par la firme Lambotte de Bas-Oha, la grosse menuiserie par les ateliers Rolet de Liège, la huisserie par Henri Bolland de Crisnée. Administrativement, la râperie était une succursale de la Raffinerie Tirlemontoise. Le jus des betteraves traitées était pompé dans une conduite de 15 cm de diamètre vers Ramkin à Oreye où elle rejoignait la conduite de Marlinne pour gagner finalement Waremme et la sucrerie de Wanze. Chaque année, la râperie recrutait environ quatre-vingts saisonniers en sus desquels, faute de main-d'œuvre locale, on engageait une vingtaine de couples flandriens des environs d'Ypres qui travaillaient fort, ne rechignant pas à œuvrer leurs douze heures par jour. La fabrication de sucre c'était : lavage des betteraves, découpage en cossettes, la diffusion à l'eau chaude, chaulage et filtration du jus, puis évaporation et enfin cuite, cristallisation, centrifugeage et emballage, chaque opération étant surveillée par un chimiste et ses aides-chimistes occasionnels. Près de 300 agriculteurs des villages circonvoisins y livraient leur production de 1 200 hectares par charrettes, chariots ou wagons du tram vicinal provenant des bascules extérieures de Xhendremael, Alleur, Paifve, Fooz, Dommartin et Lexhy. Suivant l'époque, selon la météo et l'évolution des techniques, les fournitures varièrent de 30 à 55 000 tonnes par saison, à raison de 500 à 1 000 tonnes par jour, en pauses de huit heures. La fabrication n'était pas sans danger. Dans les premiers temps du fonctionnement de la râperie, on déplora un accident mortel. La râperie de Crisnée cessa toute activité le 6 décembre 1968 après quarante années de travail. Dès lors, toute la production betteravière des environs fut traitée par la sucrerie Notre-Dame d'Oreye. Actuellement, le remembrement et la mécanisation ont tout changé. Le transport par camions de 20 tonnes est strictement programmé : Oreye n'accepte plus que les racines de chicorée, tandis que les betteraves sucrières sont traitées à Waremme et à Hollogne-sur-Geer. À l'emplacement des immenses silos en béton, la firme Ronvodal a édifié une fabrique d'éléments en béton précontraint. L'ancien bâtiment administratif qui comportait aussi le service de pesage et de calcul de la tare des betteraves abrite depuis 1968 les bureaux de la firme Matagne. Dans la râperie est un énorme dépôt de matériaux et machines. |