Crisnée
La traduction wallonne et la graphie (actuelles) du nom des autres covillages de l’entité ne posent aucun problème ; c’est Tis, Fise, K’mèh’ et Ôdeû. Pour ce qui concerne Crisnée, il en va autrement. Le panneau apposé sur la façade de l’administration communale semble avoir tranché la question en faveur de Crus'nêye. Ce qui interpelle, c’est que cette forme ne fait pas l’unanimité parmi tous ceux qui, jadis, l’ont nommé et/ou écrit, et aujourd’hui, le prononcent et/ou l’orthographient en wallon : la toponymie et les toponymistes, les dictionnaires, les habitants des villages circonvoisins et surtout les anciens Crisnéens intéressés au premier chef. Si les villages voisins sont généralement d’accord pour se nommer réciproquement comme indiqué ci-dessus, ils sont divisés sur la prononciation wallonne de Crisnée ; on y entend toutes les variantes imaginables.
Dans son Dictionnaire français-liégeois, Jean Haust, professeur de dialectologie à l’ULG, présente trois possibilités de traduction : Crus’nêye - forme choisie pour le susdit panneau - mais également Cruch’nêye et aussi Cruch’gnêye. On peut lire Crus’gnêye (dans Kemexhe), Crichgnêye (dans Odeur). Dans ses fascicules consacrés, de 1937 à 1962, aux cinq villages, Jules Herbillon, ne se prononce pas clairement. Le g comme le ch ne sont pas exceptionnels. Ce ch et ce g surtout, on les trouve, six siècles durant, dans les plus anciennes graphies du village. Ainsi, la forme Crestengneis est souvent citée comme datant d'environ 1100 ; par exemple, on le nomme Crissengné en l’an 1242 dans une charte du comte de Looz ; puis encore Cristegees en 1310, Criscengnees en 1371, Cristengnées en 1379, Crissengneez en 1450, Crisgnée en 1476 et 1496, Crissignée en 1606, Crisseignée en 1618, Chrisgnée en 1746, etc. Absolument partout on retrouve le même g dans le nom du village. Et surtout, la forme Cruch’gnêye semble la plus valable car elle était couramment prononcée avant la dernière guerre par tous les anciens wallons du village. Il en survit heureusement plusieurs témoins. D’ailleurs J. Herbillon l’admet dans sa Toponymie de Crisnée quand il écrit, en note 2 : « cruch’gnêye paraît avoir subi l’influence de la forme francisée locale ». |