L'histoire de Crisnée
De la préhistoire locale, on ne sait rien. Des traces de Néandertaliens trouvées récemment font penser qu'il en résidait dans cette région il y a environ 100 000 ans.
Une villa romaine, découverte en 1935 dans la campagne de Crisnée par le doyen Fréson de Villers, situerait là, selon Eugène Dethier de Kemexhe, l'antique Atuatuca.
La commune est ceinturée de tumulus qui, à l'époque de leur érection, avaient dit-on la raison stratégique de s'entr'apercevoir : il s'agit de ceux de Herstappe, d'Otrange, de Fize-le-Marsal, de Noville et de Lamine, peut-être aussi celui d'Othée.
Saint Materne, évêque de Tongres, et ses successeurs apportent l'évangélisation dès avant le Ve siècle. Passent les Vandales, Huns et Normands. Sous le Prince-évêque Notger, Kemexhe est l'église-mère de Thys ; de Fize-le-Marsal dépendaient les curés de Crisnée et d'Otrange ; Odeur relevait d'Othée. Tous devaient chaque année, le mardi de la Pentecôte, en procession et grande solennité, porter la redevance paroissiale au chanoine-costre de Tongres.
Vers 1300 à Kemexhe, les nobles Beaurieu (burelé d'argent et d'azur de dix pièces au lion de gueules sur tout) et les Pénilh (au lion d'or) s'entre-tuaient au service des Awans et Waroux ; Thys avait son château de Louis, écuyer, seigneur de Thys et de Wotrenge, le singneur d'Odoir résidait à Villers-l'Évêque ; Fize-le-Marsal avait ses échevins, et Crisnée son seigneur à l'écu d'argent à cinq fusées de gueules, accolées en fasce, au franc-quartier d'or au sautoir de gueules, promu depuis quelques années au rang d'armoiries de la commune de Crisnée.
Parmi les guerres innombrables, on mettra en exergue les évènements du XVIIe siècle, dit Siècle des malheurs, quand la commune et ses habitants subirent les dégâts collatéraux, conséquences de l'occupation des armées françaises ; cinq militaires, dont trois de Thys, furent victimes de la guerre 1940-44.
Les villages de la future entité échappèrent par miracle aux représailles nazies même après l'affrontement de Thys en avril 1944, après la grange incendiée à Fize-le-Marsal où s'étaient réfugiés des résistants, lors de la prise d'otages à Kemexhe à la veille de la libération et le suicide accidentel à Crisnée d'un jeune soldat allemand en pleine retraite. Des deux chutes de robots V1, l'une occasionna quelques blessés et des dégâts à Crisnée, mais l'autre affecta plus sérieusement le centre de Fize où un G.I. se sacrifia pour sauver la vie d'un garçonnet.
Les bourgmestres démocratiquement élus conservèrent leur écharpe durant les hostilités sauf à Crisnée où Jules Jacquemotte fut désigné en remplacement d'Émile Denomerenge et à Kemexhe où Oscar Driesmans fut limogé au bénéfice de Lucien Dechamps, les déchus n'ayant aucunement démérité ni les nouveaux venus collaboré d'aucune façon. À l'époque, le maïorat était assuré soit par un fermier, tels Defalle puis Prosmans à Thys, Royer à Fize-le-Marsal et Leduc à Odeur, soit par un tenant de la gauche comme Panis puis Gilon à Crisnée, Daniels à Kemexhe.
Après 1960, on dut convertir à l'idée de fusion les édiles des anciens villages de Crestegneis, Tyl, Fies, Odoir et Comegh, tous farouchement attachés à l'indépendance de leur territoire. Au-delà des rivalités de personnes et des antagonismes sportifs, les oppositions invoquèrent divers arguments d'incompatibilité telles que différences d'infrastructure, de caractères et de modes de vie des habitants, des lacunes vicinales et budgétaires communales et, last but not least, une forte aversion pour tel voisin. Ainsi raisonnait-on alors. Heureusement, on transcenda les anciens spots qui brocardaient réciproquement les autres et s'accordèrent enfin les mocrês di Cruch'gnêye, lès vês di Fîze, les platês di K'mèh' , les tchèts d'Thys, et les flaheûs d'Odeur.
La fusion, une des premières du pays, aboutit. L'éclairage électrique datait seulement de 1929 et la distribution d'eau alimentaire de 1953. La sagesse l'emportant sur toutes les susceptibilités, les édiles choisirent à l'unanimité de baptiser Crisnée la nouvelle entité et, pour une question d'hectomètres, d'y installer le centre administratif. |
Pour éclairer l'histoire de l'entité, des documents peuvent être consultés aux Archives de l'État à Cointe, à la Bibliothèque Chiroux ainsi qu'à l'Évêché de Liège. En outre, plusieurs ex-citoyens de Crisnée ont publié le fruit de leurs recherches. Jules Herbillon avait consacré à chaque village un fascicule de Toponymie. Eugène Dethier, chercheur et écrivain de Kemexhe, dans son essai 2000 ans de vie en Hesbaye, d'Atuatuca à l'E3 a esquissé une histoire de la région et de son village. Deux Thysois, feu Joseph Fraipont et Louis Tihon ont respectivement rassemblé des notes historiques sur l'ancien village de Thys et traduit des textes anciens allant du XIIe siècle à l'indépendance de 1830. Pour sa part, J.C. Vanhove a réuni une inestimable collection de 440 photos qui rappellent la vie d'antan à Thys. Enfin, depuis 1986, Louis Marneffe a consacré ses loisirs à écrire la monographie des cinq villages en autant de « Chroniques des gens et des choses ». Tous ces ouvrages constituent une synergie que les curieux du patrimoine local crisnéen peuvent consulter à la Bibliothèque communale et à la Bibliothèque Chiroux à Liège.